Iseult Lemay

HIC ET NUNC

Le 24 décembre 1993 à Montréal
Heure : 22h54
Température : - 30 degrés. Grosses chutes de neige

En cours de soirée, une alerte tempête fut diffusée sur l´ensemble des cellulaires des habitants de la ville. Une jeune infirmière, finissant son shift au CHUM (Centre Hospitalier Universitaire de Montréal), se hâta de sortir par la porte des urgences afin de rejoindre le taxi qu´elle avait commandé plus tôt. Elle espérait rentrer chez elle assez rapidement pour éviter la tempête annoncée. Lorsqu´elle descendit les marches de la sortie, elle fut surprise de découvrir un couffin à moitié recouvert de neige. Elle crut un instant qu´il était vide… Cependant lorsqu´elle le souleva, elle fut surprise d´y découvrir un jeune bébé qui elle en était certaine, au vue de sa petite taille, ne devait avoir que quelques jours. Il portait une tuque, des gants et était emmitouflé dans un pull qui semblait être destiné à un adulte.
Elle l´amena à l´intérieur afin qu´il soit examiné par un pédiatre. Tout s´enchaina très vite, le médecin ausculta l´enfant, l´hospitalisa dans son service et appela le service de protection de l´enfance. La jeune infirmière veilla l´enfant toute la nuit, elle ne souhaitait pas le laisser seul alors qu´elle venait d´être abandonné.
Le lendemain, à l´arrivée de l´assistante sociale compétente, le médecin pu transmettre une série d´information établie durant la nuit. Tout d´abord, l´enfant était une fille s´appelant Iseult, à son arrivée l´enfant porté en dessous du pull un body gravé de ce prénom. Elle était en hypothermie légère, cela présumait qu´elle avait été découverte par l´infirmière peu de temps après avoir été déposée devant l´entrée.
L´infirmière pu donner un complément d´information à l´assistante sociale concernant les circonstances de sa découverte. Il lui tenait à cœur de pouvoir aider le plus possible cette jeune enfant. Iseult avait réveillée en elle son instinct maternel. Elle aurait souhaité pouvoir amener l´enfant chez elle et l´adopter mais elle savait très bien qu´elle en paierait le prix auprès de son mari. Après un dernier regard et un dernier geste de tendresse, elle rentra chez elle. Cette infirmière n´en n’était pas consciente, mais elle venait de donner à Iseult un moment de tendresse sincère. Le prochain elle le vivra que bien plus tard, au début de sa vie d´adulte.
Iseult resta à l´hôpital quelques jours afin que les médecins s´assurent de sa bonne santé. Puis  elle fut amenée et placée dans une première famille d´accueil. Par simplifier les procédures administratives, elle hérita de leur nom de famille.
…….

2002, Montréal (Iseult a neuf ans)

Le dossier d´Iseult au service d´aide sociale était bien rempli. Et une fois de plus, il se retrouvait sur le bureau de son assistante sociale, Jackie, afin qu´on lui attribue un nouveau foyer.
Elle avait en neuf ans dépassé un nombre record de famille d´accueil. Soit parce qu´ils ne voulaient pas l´adopter sans expliquer de raisons, soit parce qu´elle devenait compliquée, colériques et trop difficile à gérer pour une famille d´accueil « classique ». Ces différentes familles s´entendaient pour dire qu´elles ressentaient un malaise et un potentiel explosif chez cette petite sans pour autant pouvoir cibler une problématique précisément. Ces discours suscitaient une incompréhension chez la travailleuse sociale. En effet, il lui semblait impossible qu´une si petite fille puisse effrayer et provoquer autant de malaise et d´agressivité chez des adultes.
La seule fois ou l´enfant avait suscité une envie d´adoption chez sa famille d´accueil, celle-ci avait changé d´avis très soudainement. Elle avait questionné la petite et la famille mais personne n´avait pu fournir de réponses.
Jackie se sentait impuissante face à la situation, elle voulait l´aider en trouvant un foyer de longue durée mais ne semblait pas y arriver. Jusqu´alors, Iseult ne se posait pas de questions, changer de famille et de milieu de vie faisait partie de sa routine. Elle fit comprendre à la jeune fille lors d´un entretien que ce n´était pas normal. Avant de  rencontrer sa nouvelle famille d´accueil, elle lui dit mots pour mots :
« Jeune fille il est temps de prendre sur toi et de rentrer dans le cadre ! C´est ta dernière chance ! Tu ne peux pas continuer comme ça et la liste des familles pouvant t´accueillir n´est pas infinis. Je ne veux plus que ton dossier arrive sur mon bureau est-ce bien clair ?»
Iseult avait répondu par l´affirmatif. Elle avait toujours eu confiance en sa travailleuse sociale mais elle venait de le rompre. Iseult se rendit compte qu´elle était désormais toute seule en cas de problèmes. Le fait de se retrouver dans cette situation face à sa nouvelle famille lui faisait peur.
A cette époque, Jackie pensa qu´elle avait fait ce qu´il fallait pour qu´Iseult comprenne l´importance de cette dernière chance. Malgré cela, elle se rendit compte que la pression, que cela représentait, était peut être un peu trop lourde.
Quelques années plus tard, elle regretta les paroles qu´elle avait eu lorsqu´elle découvrit les négligences, violences et différents abus -spécifiquement du père- subit par Iseult dans la famille chez qui elle l´avait placé. Elle comprit qu´elle avait fait une grave erreur en brisant l´espace de parole établit avec Iseult.
……
L´Incident :

2004, à Oka (1h de Montréal). Iseult a 12 ans

Ce passage de l´histoire d´Iseult est très court, elle ne se souvient de rien ou presque. La seule chose dont elle est certaine : son instinct de survie avait pris le relais. Plus tard, elle saura que son animal intérieur s´était réveillé pour la fois de trop. Elle ne garda que peu de souvenirs, les seuls éléments, dont elle se souvint ou que la police lui expliqua, étaient notés dans son petit cahier qu´elle emporte encore maintenant partout.
La police fut appelée au chalet de la famille, un animal avait attaqué Jared Rockland. Lorsque Josie Rockland avait découvert son mari, Iseult était sous la table en train de pleurer. Elle avait les habits à moitié déchiré.
On pouvait entendre sur l´enregistrement des services d´appel d´urgence, Mme Rockland paniquée lorsqu´elle découvrit son mari sans vie. Un animal était rentré dans l´habitation et avait attaqué le père de famille. Son décès avait été causé par d´importantes lacérations à son cou.
Iseult fut interrogée par la police, elle se montra incapable de se souvenir des événements. Elle ne semblait pas blessée physiquement mais plutôt ébranlée psychologiquement. La police souleva une question concernant l´état des habits de la petite. Cet incident déclencha deux enquêtes, une sur le décès du mari de Josie et une autre sur le traitement d´Iseult dans cette famille. La première enquête fut rapidement élucidée, les experts s´entendaient pour dire que c´était bien un animal qui avait attaqué et tué Jared. Concernant la seconde, cela fut plus complexe. Après enquête, il a été reconnu que Jared Rockland-défunt mari de Josie Rockland, faisait preuve de négligence, de violence et d´abus psychologique, sexuel à l´encontre de la petite Iseult. Cependant, ceux-ci se passaient dans le dos de Josie. Le Tribunal avait donc décidé de laisser Iseult sous la garde de Josie. Elle qui s´était accrochée à cet enfant depuis l´accident et qui essayait de créer une relation.
Suite à cet incident, Iseult venait de découvrir sa partie animale avec qui elle serait à tout jamais en osmose. Cette nuit là elle en était certaine, son animal lui avait sauvé la vie.
A sa majorité, Iseult pris ces affaires et partit de chez elle. Elle était enfin libre. Elle entama ces études à l´UQAM à Montréal et s´installa en colocation. Elle coupa définitivement le lien avec Josie.